Le Bureau de la direction de l’apprentissage et du développement : La clé de voûte de la haute direction de la famille entrepreneuriale!

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Auteur : Mark W. Auger DBA

Ceci est une traduction de l’article publié dans Canadian Family Offices

Les membres de la famille comme atouts stratégiques

Les expressions « mettre les gens en avant-plan pour assurer une réussite organisationnelle durable » et « les gens constituent notre actif le plus important » sont souvent beaucoup trop surfaites. On en discute habituellement entre les murs des bureaux de direction. Néanmoins, ces dictons s’appliquent également au contexte des familles entrepreneuriales.

Les gens forment le capital humain de toutes les organisations. Le capital humain incarne les compétences, les connaissances et les comportements acquis et adoptés au fil des expériences vécues. Il s’agit du produit individuel et collectif de l’existence.

Il devient alors évident que le capital humain de la famille entrepreneuriale est une ressource dont la valeur peut changer avec le temps. Le changement et l’innovation influenceront l’utilité, réelle et perçue, du capital humain. Il peut être difficile de prévoir l’incidence qu’auront ces changements au sein du capital humain de la famille sur plusieurs générations. Cela est particulièrement vrai lorsque le développement de l’ensemble des membres de la famille entrepreneuriale ne prévoit ni but précis ni plan de match.

Maximiser le plein potentiel du capital humain : Dès que possible!

Les fondateurs des familles entrepreneuriales et les membres de la génération suivante s’inquiètent souvent de ne pas être suffisamment préparés au processus qui les mèneront à prendre la relève du leadership et de l’entreprise. Si la dynamique parent-enfant ou entre les enfants est dysfonctionnelle, elle compromet toute possibilité de jeter des ponts entre les générations pour les générations à venir. Lorsque les niveaux de confiance, de respect, de connaissances et d’expériences partagées sont inégaux entre les membres multigénérationnels de la famille entrepreneuriale, le plein potentiel du capital humain et social de chacun s’en voit limité.

Fermer les yeux sur la composition et l’évolution du capital humain de la famille entrepreneuriale risque de mener tout droit à la Règle du 92 : Possibilité de perdurer au-delà de trois générations. Il n’est jamais trop tard. Entamez le parcours d’apprentissage dès la préadolescence.

L’essence d’une culture d’apprentissage

Posséder une culture d’apprentissage s’apparente à recevoir un vaccin efficace. L’apprentissage et le développement procurent un niveau éprouvé d’immunité contre la désuétude et l’absence de buts à atteindre. La lecture, les études, les examens, tout cela fait partie de l’apprentissage, comme le fait d’expérimenter, de se réaliser, de partager avec d’autres et d’incarner ses valeurs dans une multitude de contextes et de rôles. Ces interactions de la vie peuvent en réalité faire de nous de meilleures personnes en raison des réactions suscitées chez les autres, des récompenses et des souffrances que nous accumulons, et des questionnements que soulèvent ces apprentissages. Les interactions d’apprentissage favorisent la création de liens qui permettent de développer des relations plus riches, de mieux solutionner les problèmes et de prendre de meilleures décisions.

Les principes et les bienfaits de l’apprentissage s’appliquent à la dynamique, à la propriété, à la gouvernance et aux sous-systèmes de gestion de la famille entrepreneuriale. Chaque membre de la famille entrepreneuriale croît en tant qu’individu assumant plusieurs rôles. On vit sa vie en tant qu’enfant, parent, frère ou sœur, conjoint, administrateur familial, chef du conseil de famille, président du conseil d’administration, membre du comité d’investissement, gestionnaire de l’entreprise familiale, du bureau de gestion patrimoniale ou de la fondation familiale, et même en tant qu’entrepreneur, artiste et athlète. Chacun de ces rôles comporte son propre apport de raisons d’être, de savoir, de savoir-faire et de relations.

Qui administre le capital humain et social?

À partir de nos nombreuses interactions humaines, nous créons et nourrissons des relations qui se transforment en capital social. Le capital social et le capital humain sont de précieuses ressources qui sont essentielles pour briser la Règle du 92. Si l’on veut développer une culture d’apprentissage, il faut d’abord penser et se comporter de façons telles que les connaissances et les compétences ne soient pas spécialisées ou générales, mais plutôt périssables ou durables.

Mais qui administre le capital humain et social d’une grande famille entrepreneuriale multigénérationnelle? Qui gère l’état de préparation du bassin de talents de la famille à assumer la relève, la sélection, la transition et l’intégration des rôles de leadership de la famille?  Qui aide et soutient les membres de la famille à trouver un sens et un sentiment d’appartenance dans un contexte de grande fortune et de statut social? Qui guide les membres de la famille quant à leurs rôles et responsabilités et quant à la perspective de devenir propriétaire ou influenceur de ressources financières et réputationnelles importantes? Qui évalue la composition du bassin de talents de la famille et sa réceptivité au changement et à l’innovation?

Antoine Mayaud, un membre de la famille française Mulliez, décrit l’Affectio Societatis de sa famille comme une organisation familiale qui permet au leadership familial de promouvoir la proximité et la perméabilité multigénérationnelles entre l’entreprise et la famille (1). Pour créer une telle proximité, il faut encourager la diversité, l’inclusion et l’équité au sein du plus grand nombre possible de membres de la famille, peu importe leur situation géographique. Monsieur Mayaud a fondé l’Affectio Societatis en tant que bureau de la direction de l’apprentissage et du développement de l’Association familiale Mulliez, il y a environ 25 ans (2). Elle est une entité distincte de leur bureau de gestion patrimonial, Mobilis.

Le Bureau de la direction de l’apprentissage et du développement n’est pas le bureau de gestion patrimonial (Family Office)

Le BDAD est l’évaluateur, le guide, le curateur et le gardien de la culture d’apprentissage de la famille. De concert avec l’un des piliers de la famille, le Bureau de la direction de l’apprentissage et du développement (BDAD) peut aider la famille en prenant en charge la préparation et l’exécution de l’ensemble des facettes de la culture d’apprentissage de la famille. Le BDAD fait partie intégrante du système familial.

La supervision du développement du potentiel humain est au cœur du BDAD. Le potentiel humain consiste à veiller à ce que chacun des membres de la famille entrepreneuriale ait la liberté de choisir son parcours de vie et de le vivre pleinement. Sous l’aspect fonctionnel, le BDAD évalue le potentiel humain et conçoit et met en œuvre des processus qui utilisent les apprentissages afin de faciliter l’adaptation aux changements qui interviennent dans la famille et la fortune.

À la différence du BDAD, le bureau de gestion patrimonial administre les intérêts de la famille entrepreneuriale dans ses actifs immobiliers et financiers. Le bureau de gestion patrimonial offre aux membres de la famille entrepreneuriale des services en matière d’administration, de conformité, de répartition du capital et de gestion des investissements. Ses processus sont structurés et motivés par les résultats financiers et les ICP recherchés (ces indicateurs clés de performance sont par exemple des taux d’imposition effectifs et les rendements sur le capital investi, les ratios de distribution et les éventuels prélèvements). Malgré leurs différences organisationnelles, le BDAD et le bureau de gestion patrimonial doivent fonctionner en symbiose.

Le Bureau de la direction de l’apprentissage et du développement prend différentes formes

C’est l’invention de la sauce aux huîtres en Chine continentale à la fin du 19e siècle qui est à l’origine de l’entreprise de la famille Lee Kum Kee (3). Les enfants de la 4e génération de la famille ont pris la décision de développer un « plan sur 1 000 ans » pour combler le fossé grandissant qui séparait les membres de la famille engagés dans les entreprises familiales et ceux qui ne l’étaient pas. Dans le cadre de la structure de leur famille entrepreneuriale, un Centre d’apprentissage et de développement de la famille a été créé en tant qu’entité du conseil de famille (4). Il soutient le modèle de communication multigénérationnelle de la famille pour permettre à ses membres de garder le contact, peu importe leur position et leur rôle, et pour accompagner le bassin des meilleurs talents dans une perspective de propriété et de leadership familial. Tout en étant distinct du bureau de gestion patrimonial, le BDAD en est toutefois intimement lié.

La famille Brenninkmeijer estime que la propriété entrepreneuriale doit être méritée et non héritée (5). Cette famille entrepreneuriale de sixième génération tire ses racines en Allemagne et dans les Pays-Bas. Tout aspirant chef de l’entreprise familiale et propriétaire du holding de leur entreprise familiale, Cofra, doit nécessairement effectuer un apprentissage de 15 ans, sans aucune garantie ultime. La propriété entrepreneuriale est une question d’admissibilité et non un droit. Cofra possède son propre bureau d’apprentissage et de développement qui est dirigé par un chef de famille et qui est également distinct de son bureau de gestion patrimonial, Anthos.

Promouvoir la vision familiale

Les exemples de BDAD décrits plus haut ont évolué au fil des décennies afin de répondre à la complexité croissante et à l’esprit d’administrateur des familles entrepreneuriales. Ils ont tous été initiés par des piliers visionnaires de ces familles et ont obtenu le soutien indéfectible de leurs aînés. Le BDAD améliore la capacité d’adaptation multigénérationnelle de la famille et leur aptitude à partager un but et un sens communs. Les membres de la famille qui atteignent leur plein potentiel et vivent heureux deviendront ultimement les artisans de nombreux objectifs personnels et collectifs. À titre de membre de la haute direction, le BDAD contribue à déployer les talents au sein de la famille afin de préserver la richesse et le bien-être de la famille.


1.MAYAUD, Antoine, Entreprendre en Famille : Mes 25 années au cœur d’une famille entreprenante.

2. https://en.wikipedia.org/wiki/Association_Familiale_Mulliez

3. SCHMIDT, Blake. A $15 Billion Oyster Sauce Family Plots to Survive 1,000 Years, Bloomberg, 29 août 2019

4. COHEN, Lauren et collab., The 1000 Year Plan : Lee Kum Kee and Sustaining a Family Culture, HBS, Novembre 2020.

5. https://www.cofraholding.com/en/family/#anthosTheFamilyOffice